CENI : L’ancienne loi électorale révisée fait obstacle à la participation politique des femmes.
La loi électorale révisée n’a enlevé aucun des obstacles à la participation politique des femmes, au contraire elle en a augmenté le nombre.
Cinq obstacles majeurs, au total, sont relevés dans cette nouvelle loi adoptée à l’Assemblée nationale.
Premier obstacle, l’absence de volonté des partis de placer des femmes sur leurs listes électorales.
Plusieurs dispositions du projet introduit par le gouvernement avaient pour objectif de progresser vers une représentation équitable de la femme dans les institutions et vers la parité en accentuant l’approche genre aussi bien dans l’établissement des listes électorales que dans l’attribution des sièges. L’article 13 du projet disait : « Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation homme- femme et de la promotion de la personne vivant avec handicap. Dans une circonscription de plus de deux sièges, un tiers des candidats présentés sur une liste doit être de l’autre sexe » et l’article 22 prévoyait pour la première fois une sanction en cas de non-respect : « Une liste présentée par un parti politique, un regroupement politique ou une candidature indépendante est déclarée irrecevable lorsque: (…) elle ne satisfait pas aux prescrits de l’article 13, alinéa 4, de la présente loi ».
Cependant, cette obligation de placer au moins un tiers de candidates femmes sur les listes présentées par les partis politiques, assortie en cas de non-respect, de la sanction de la non recevabilité de la liste, constituait un progrès appréciable. Malheureusement elle a pourtant été balayé sans coup férir par les « honorables » des deux sexes.
S’agissant du deuxième obstacle, il est résumé en termes de l’absence de quotas de femmes. En effet, d’autres dispositions du projet déposé visaient à renforcer la représentation de la femme : « Au cas où, dans une Assemblée Provinciale (ou un Conseil municipal, de secteur ou de chefferie), l’un des deux sexes a obtenu moins d’un tiers de sièges conformément à l’article 13, la Commission Electorale Nationale Indépendante a l’obligation de prendre en compte les candidats de ce sexe non élus ayant obtenu le plus grand pourcentage de suffrages dans les circonscriptions électorales où ils sont candidats ».
Cette introduction des quotas de femmes sous la forme de sièges réservés aux « meilleures perdantes » constituait une avancée vers la parité. Elle a, aussi, été réduite à néant. Une majorité des parlementaires a préféré rejeter tout simplement un système qui a pourtant permis, dans des nombreux pays voisins de la RDC dont l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda , d’amener plus de 30% de femmes dans les institutions.
L’exclusion des femmes de la direction des entités territoriales « Chefferies », constitue le troisième obstacle. Cet obstacle – peu souligné jusqu’à présent – reste pourtant inscrit dans la loi électorale depuis 2006. Cette dernière prévoit que les chefs des Entités Territoriales Décentralisées « Chefferies » ne sont pas élus dans cette fonction, au scrutin indirect, par les membres du Conseil de chefferie élus. Alors que les bourgmestres et adjoints des ETD « Communes » ainsi que les Chefs de secteur et adjoints des ETD « Secteurs » sont eux élus par les Conseils municipaux (art. 199-206) et les Conseils de Secteurs (art. 215 à 222).
Les chefs de chefferie, désignés selon la coutume locale, vont donc disposer, avec le Conseil et le Collège exécutif, d’attributions très importantes et beaucoup plus étendues que celles de chefs coutumiers (voir les art. 73 à 92 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces). On constate tout simplement que ces attributions des chefs de chefferies seront similaires à celles des bourgmestres et des Chefs de secteur.
Mais sans devoir passer comme eux par des élections ni sans devoir rendre compte de leur gestion en violation totale du principe de redevabilité (Article 82 de la même loi sur les ETD : « Le chef de chefferie ne répond pas de ses actes devant le conseil de chefferie »). L’absence d’élection des chefs de l’ETD chefferies est un grand obstacle à la participation politique des femmes maintenu dans la loi révisée et est fortement discriminatoire envers les femmes puisque les chefs coutumiers sont quasi exclusivement des hommes.
Quant au quatrième obstacle, il est lié à la condition d’éligibilité sur base d’un diplôme. Il sied de signaler que la loi révisée introduit une nouvelle condition d’éligibilité qui n’était pas inscrite dans la loi de 2006 ni lors de sa modification en 2011. La condition de diplôme qui exige des candidats de fournir une photocopie certifiée conforme d’un titre académique ou scolaire : un diplôme d’études supérieures ou universitaires pour le candidat à la présidence, le candidat député, sénateur, député provincial, gouverneur et vice-gouverneur, conseiller urbain, conseiller municipal, maire et maire adjoint, bourgmestre et bourgmestre adjoint ; un diplôme de fin d’études secondaires pour le candidat conseiller de secteur et de chefferie et le candidat chef de secteur et son adjoint.
Or, dans les circonscriptions rurales – mais aussi urbaines – les jeunes filles sont déscolarisées plus précocement que les garçons et l’inégalité de chance entre filles et garçons d’accéder aux études supérieures – et même obtenir un diplôme de fin d’études secondaires – est une triste réalité.
Cependant, ajouter la condition de diplôme, non prévue par la Constitution, vient donc renforcer les discriminations dont femmes et filles sont victimes en diminuant leurs possibilités d’accéder aux fonctions électives
Enfin, le cinquième obstacle, n’est autre chose que la condition d’éligibilité financière. La loi révisée aggrave considérablement une autre condition d’éligibilité. Le dépôt d’une caution, qui est d’ailleurs, étrangement rebaptisée « frais de dépôt des candidatures non remboursable » dont le montant a été multiplié par 5, voir même par 10. Cette condition va totalement à l’encontre des progrès de la parité dans les institutions nationales, provinciales et locales ; puisqu’il est bien connu que les femmes, particulièrement les femmes rurales, disposent de moins de moyens financiers que les hommes. Elles verront donc, de ce fait, leur accès aux fonctions publiques limité.
Pour boucler la boucle, retenons tout simplement qu’en raison de tous ces obstacles renforcés à la participation politique des femmes ; la nouvelle loi électorale est clairement contraire à l’esprit et à la lettre de l’article 14 de la Constitution qui stipule que « La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions ».
Les organisations de défense des droits des femmes, les hommes et les femmes soucieux de l’approche genre, ont donc tout intérêt à se mobiliser contre cette loi électorale sexiste. Une loi qui bloque les progrès de la participation politique des femmes pour les années ou même les décennies futures. Ils sont invités à utiliser le droit constitutionnel tel qu’inscrit à l’article 162 al.2 : « Toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire ». Mais également, définir une stratégie et mobiliser les moyens pour atteindre l’objectif d’au moins 30% de femmes élues lors des élections locales, malgré les obstacles mis sur leur route par la loi électorale révisée et sexiste.
Nathalie DEMBASUKA